« En 2026, l’IA deviendra physique ! »[TRIBUNE de Paul Golding, ANALOG DEVICES] En 2026, l’intelligence artificielle (IA) va quitter nos écrans pour conquérir le monde réel, et l’intelligence physique va constituer la prochaine frontière. Les lois d’échelle qui ont permis aux grands modèles de langage (LLM) et de vision se poursuivront tout au long de l’année, mais s’étendront à des modèles capables d’apprendre à partir de vibrations, de sons, de champs magnétiques et de mouvements - attributs immuables du monde physique. Paul Golding, vice-président d’Analog Devices en charge de l’IA embarquée et de la robotique, estime ici que ces modèles de raisonnement physique migreront prochainement des datacenter vers la périphérie (l’edge), propulsant un nouveau type d’autonomie capable de penser et d’agir localement en étant sensible à la physique locale sans recours à des serveurs centralisés. Dans un avenir proche, les modèles d’IA apprendront de manière dynamique à partir de situations originales, exposés à seulement quelques exemples de circonstances originales. Imaginez un robot industriel mobile qui puisse raisonner par lui-même et déterminer ce qu’il doit faire face à un obstacle inattendu. En conséquence, nous devons nous attendre à une hausse du nombre de “modèles du monde” hybrides qui associent un raisonnement mathématique et physique à une dynamique issue de la fusion des données de capteurs, ainsi que du nombre de systèmes capables non seulement de décrire le monde, mais également d’y participer et, comme l’explique Richard Sutton (*), d’apprendre de leur propre “expérience”. Le son va devenir l’interface d’IA dominante pour l’électronique grand public Le son est sur le point de s’imposer comme un véritable “canal de raisonnement” et nous allons assister de manière spectaculaire à cette métamorphose en 2026. Avec la convergence du son spatial, de la fusion des capteurs et du raisonnement embarqué, les produits d’électronique grand public vont se transformer en compagnons contextuels. Ainsi, les lunettes de réalité augmentée et les appareils audio portatifs (les “wearables”) tels que les écouteurs et les systèmes audio installés à bord de nos automobiles interpréteront discrètement notre environnement, en déduisant nos intentions, nos émotions et notre présence. Ces avancées technologiques permettront d’améliorer considérablement la réduction du niveau de bruit dans les appareils auditifs, d’augmenter l’autonomie des batteries et de créer de nouveaux formats que nous sommes encore loin d’imaginer. Déjà en vogue au sein de la génération Z, l’expérience intra-auriculaire connectée en permanence deviendra de plus en plus répandue grâce à l’audition “surhumaine” de l’IA contextuelle. La prochaine évolution de l’IA embarquée sera agentique L’IA agentique (**) va donner naissance à des modèles physiquement intelligents, entraînés au travers d’environnements de simulation physiquement exacts. Bientôt, les systèmes agentiques ne se contenteront plus de prédire : ils prendront des décisions et agiront de manière autonome dans le monde réel grâce à des interventions physiquement fondées et répétées dans des environnements simulés. Dans ce contexte, nous assisterons en 2026 à l’arrivée à grande échelle des jumeaux numériques qui doteront les grands modèles d’une conscience digne des systèmes physiques. Imaginez des modèles d’IA capables d’apprendre à prédire des forces et non plus des textes, tout en bénéficiant de la sécurité d’un environnement simulé évolutif. Les modèles de fondation physiquement intelligents fusionneront le raisonnement et l’intelligence des capteurs pour orchestrer le fonctionnement de machines, des simulations et des données. Aujourd’hui, de nombreuses usines disposent de la technologie nécessaire pour exécuter des tâches de maintenance prédictive, mais on peut imaginer un avenir où un agent présent dans un atelier agira sur la base de ces prévisions — par exemple pour transférer de manière autonome la chaîne de production vers une machine plus performante, régler une machine en difficulté à 70 % de sa capacité afin d’en prolonger la durée de vie ou coordonner son activité avec les agents de la chaîne d’approvisionnement pour optimiser des stocks — le tout sans intervention humaine. L’IA va connaître un tournant avec l’émergence de la micro-intelligence En 2026, une nouvelle catégorie de modèles récursifs compacts va voir le jour : des systèmes de faibles dimensions dotés d’une remarquable profondeur de raisonnement dans un domaine restreint mais capables de fonctionner en périphérie du réseau. Imaginez des micro-intelligences plutôt que de simples modèles compacts. À la fois fluides, adaptables et conçus pour effectuer une tâche spécifique, mais toujours capables d’abstraction et de réflexion, ils occuperont une place intermédiaire entre l’IA programmée rigide que l’on voit aujourd’hui en périphérie et les modèles de fondation tentaculaires comme GPT-5. Ils alimenteront le raisonnement spécialisé dans les circuits intégrés, les capteurs et les plus petits systèmes, agissant en tant qu’orchestrateur des agents spécialisés qui émergent actuellement. Ces nouveaux types de modèles naîtront de la course à la création de systèmes intelligents fluides. Je prédis ainis l’émergence de nouveaux types d’évaluations d’IA conçues pour mesurer et encourager une nouvelle forme d’intelligence technique : des micro-intelligences multi-agents capables de collaborer pour résoudre des problèmes techniques complexes, passant du monde des défis mathématiques abstraits (les Olympiades des mathématiques, par exemple) à des systèmes de résolution de problèmes concrets. (*) Richard Sutton est un informaticien canadien, professeur d'informatique à l'université de l'Alberta. Il est reconnu comme l'un des fondateurs de l'apprentissage par renforcement, une approche de l’intelligence artificielle qui met l’accent sur l’apprentissage et la planification à partir d’un échantillon d’expériences. (**) L’IA agentique est une forme d’IA capable de prendre des décisions, d’effectuer des actions autonomes et d’ apprendre en permanence des interactions. L’IA agentique fonctionne grâce à des agents (d’où son nom) d’IA autonomes conçus pour accomplir des tâches en interprétant un contexte, en prenant des décisions et en exécutant des actions adaptées à des objectifs prédéfinis. |